11.06.2024
Ce 9 juin, après la lourde défaite de son parti aux élections législatives belges, organisées en même temps que les élections européennes, Alexander De Croo a décidé de démissionner.
« Nous avons perdu cette élection. […] Ce n’est pas le résultat que j’espérais et je ne me déroberai pas à mes responsabilités. Dès demain, je démissionnerai de mon poste de Premier ministre ». Très ému après la double défaite électorale de son parti, Open VLD, le Premier ministre belge, le libéral Alexander de Croo a décidé de démissionner. Sa démission a été acceptée par le roi Philippe de Belgique, qui l’a reçu ce lundi 10 juin.
« C’est une soirée particulièrement difficile pour nous, le signal des électeurs a été clair », a réagi Alexandre de Croo en s’essuyant une larme au coin de l’oeil devant les militants de son parti, l’Open VLD, donné à 8% en Flandre, en recul de 7 sièges (16 à 9).
Fin de concerto donc pour la coalition « Vivaldi » au pouvoir en Belgique, référence à la couleur politique des quatre familles, différentes membres du gouvernement en exercice. Des socialistes aux libéraux, en passant par les écologistes et les chrétiens démocrates. Sept partis politiques au total, alliés depuis octobre 2020 derrière le premier ministre aujourd’hui démissionnaire.
Dimanche 9 juin, les électeurs belges ont désavoué sa coalition lors d’un scrutin législatif couplé aux européennes, marqué par la progression de l’extrême droite et un net recul des écologistes. La Flandre, la région belge la plus peuplée vire à droite. Le parti d’extrême droite Vlaams Belang (VB) a gagné du terrain au Parlement régional (31 sièges, +8), sans toutefois, surprise de la soirée, parvenir à détrôner les conservateurs de l’Alliance néoflamande (31 sièges aussi).
« Nos faire-part de décès étaient écrits, mais nous avons gagné ces élections », s’est réjoui le chef de la N-VA (Nouvelle Alliance flamande), Bart De Wever, alors que le VB était donné gagnant dans les sondages depuis plusieurs mois.
Allié au Parlement européen du Rassemblement national français, il devient la deuxième force politique (20 sièges) du Parlement fédéral, derrière le N-VA (24 sièges).
La majorité absolue est établie à 76 sièges. Bart De Wever, actuel maire d’Anvers, est candidat au poste de Premier ministre pour succéder à Alexander De Croo. Il pourrait se rendre incontournable pour réunir une coalition majoritaire au niveau national, tout en gardant la main sur la Flandre.
Cordon sanitaire ?
Réputée ingouvernable, la Belgique avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice en 2011. Un record dont le pays n’était pas si loin quand la coalition de sept partis dirigée par Alexander De Croo avait enfin vu le jour à l’automne 2020, 493 jours après les élections de 2019.
Cette fois, le pays pourrait être privé d’une coalition majoritaire en exercice au moins jusqu’aux municipales du 13 octobre, prochain rendez-vous électoral, selon Benjamin Biard, chercheur au centre de sciences politiques Crisp. Un avis nuancé par Vincent Laborderie, professeur de sciences politiques à l’UCLouvain, pour qui des majorités pourraient rapidement se dégager dans les régions: « Il serait ensuite logique de transposer ces modèles au niveau fédéral ».
En Flandre, relève-t-il, la N-VA pourrait s’allier aux socialistes et aux chrétiens-démocrates, et fermer la porte au VB. C’est le scénario redouté par Tom Van Grieken, président du VB, qui a félicité Bart De Wever pour sa victoire. Et a surtout insisté sur l’occasion unique d’imposer avec lui l’agenda indépendantiste flamand.
« Cher Bart, ne laisse pas passer cette chance historique », a-t-il lancé. Cordon sanitaire toujours en vigueur ce lundi : De Wever a assuré refuser toute alliance avec Van Grieken. « J’ai été clair avant les élections, et je ne changerai pas d’avis après coup ».
La question climatique « disparue »
En Wallonie, la région francophone du sud du pays, le libéral Mouvement réformateur (MR) a ravi au Parti socialiste (PS), sa place de numéro un. Avec près de 30% des voix, il pourrait s’affirmer comme le pivot d’une future coalition. Globalement, socialistes et écologistes, qui participaient à la coalition De Croo, ressortent affaiblis en Belgique francophone au profit du MR, et des Engagés (centristes).
Partout où il était associé à des coalitions, le parti écologiste pourrait s’en retrouver exclu. Grand perdant des législatives au niveau fédéral (en recul de 10 sièges), la direction de la branche francophone de la famille écologiste belge a annoncé ce 10 juin sa démission.Le campécologiste était associé depuis 2020 au gouvernement sortant dirigé par Alexander De Croo. En ajoutant les six sièges du pendant néerlandophone Groen, cette famille politique compte désormais seulement 9 députés (sur 150 au total) contre 21 dans l’assemblée sortante.
« Nous avons perdu une importante bataille, mais une autre se profile déjà à l’horizon », a voulu positiver Jean-Marc Nollet, coprésident d’Écolo, dans une allusion aux municipales d’octobre.
En 2019, les écologistes comptaient parmi les grands vainqueurs. Ils avaient alors surfé sur la vague des manifestations pour le climat. Dimanche 9 juin, leurs responsables ont regretté que la question ait « disparu » en 2024 de la campagne.
Prochaine étape : la consultation des personnalités politiques, au premier rang desquelles les responsables des partis arrivés en tête des élections fédérales. Bart de Wever, le président du parti nationaliste flamand N-VA, et Tom Van Grieken, de la formation d’extrême droite, grande gagnante du scrutin, Vlaams Belang.
Certes démissionnaire, Alexander De Croo a assuré, jusqu’à la nomination de son ou sa successeure, « se concentrer pleinement sur les affaires courantes ».