12 01, 2023
Burundi-Rwanda : les autorités burundaises affirment avoir suspendu toutes les relations avec le président Paul Kagame et ferment les frontières avec le Rwanda
Le Burundi a fermé jeudi après-midi toutes ses frontières avec le Rwanda. C’est le ministre en charge des affaires intérieures qui a annoncé la mesure. Martin Niteretse s’est emporté contre le président Paul Kagame qu’il qualifie de « mauvais voisin ». (SOS Médias Burundi)
Le ministre en charge des affaires intérieures a livré l’annonce depuis Kayanza, une province frontalière avec le Rwanda. Il était en réunion avec des représentants administratifs et des responsables sécuritaires dans cette province dont il est natif. En déclarant la fermeture des frontières, il s’est attaqué au président Kagame.
« Paul Kagame est un mauvais voisin, le président du Rwanda. Nous avons suspendu toutes les relations avec lui jusqu’à ce qu’il revienne à la raison. Il a des plans malsains. Il héberge des malfaiteurs qui déstabilisent le Burundi. Tous les malfaiteurs passent par son pays », a-t-il accusé.
À en croire ses propos, plusieurs Rwandais ont été arrêtés et refoulés ce jeudi.
« Ce sont toutes les frontières qui sont fermées. Nous n’avons pas besoin de Rwandais ici et même ceux qui se trouvaient sur notre territoire, nous les avons chassés.
« J’avais demandé aux gouverneurs de me faire un rapport des étrangers qui vivent au Burundi. Ils me l’ont confié. On s’en est servi et tout s’est bien déroulé », a poursuivi M.Niteretse sans donner de chiffres.
Les présidents Évariste Ndayishimiye et Paul Kagame en marge d’un sommet sur la crise congolaise dans la ville commerciale Bujumbura, mai 2023.
Des sources locales dans la ville commerciale Bujumbura ont confié à SOS Médias Burundi que beaucoup de ressortissants rwandais ont été arrêtés dans une fouille policière. Ce sont les quartiers du nord de la capitale économique où vivent beaucoup de Rwandais qui ont été ciblés.
« Certains avaient peur d’être tués. Il y a des familles qui ont refusé d’ouvrir aux policiers jusqu’à ce que des responsables administratifs locaux viennent », disent des habitants.
Conséquences
« On ne sait pas ce que l’on va faire. Nous ne savons pas comment faire avec nos clients. Mon bus a été stoppé et obligé de revenir au moment où il approchait la frontière de Gasenyi-Nemba (nord du Burundi) », se désole un responsable d’une société de transport qui a des bus assurant le transport entre Nairobi (capitale du Kenya) et Bujumbura en passant par le Rwanda.
Plusieurs Rwandais et Congolais qui utilisent la frontière de Ruhwa (nord-ouest) ont été bloqués alors qu’ils voulaient rentrer chez eux, de même que des Burundais qui étaient partis dans un marché au Rwanda, a remarqué un reporter SOS Médias Burundi.
« Nous sommes des voisins, notre seule préoccupation est de vivre en harmonie avec les Rwandais. Si les dirigeants ont des différends, qu’ils les règlent sans nous faire souffrir », estime un commerçant de Rugombo, en province de Cibitoke au nord-ouest du Burundi.
« Nous sommes dans la désolation. on parvenait à vivre grâce à ce petit commerce que l’on exerce ici », regrette une commerçante ambulante de fruits à la frontière de Ruhwa.
Plusieurs autres commerçantes ont regretté « une situation très lamentable ». Les personnes bloquées à la frontière de Ruhwa dont des vieilles femmes, y ont passé la nuit.
« Ma fille est programmée pour une césarienne ce vendredi. J’étais venue récupérer sa grande sœur pour qu’elle aille l’aider en tant que garde malade. Et voilà que nous sommes coincées ici sans même être avisées », se désole une femme âgée, rwandaise.
Le ministre burundais en charge des affaires intérieures Martin Niteretse qui a annoncé la fermeture des frontières entre le Burundi et le Rwanda
Pour l’ancien président de l’Assemblée nationale Léonce Ngendakumana, cette mesure risque de ruiner les sociétés.
«C’est dommage mais je dois dire que c’était prévisible à écouter le message du Chef de l’Etat à la fin de l’année dernière », indique l’ancien président de l’Assemblée nationale Léonce Ngendakumana qui trouve qu’une telle décision est «au désavantage des populations qui vivent aux frontières des deux pays».
«La voie diplomatique passe par le dialogue et en cas d’échec c’est la guerre. Où est ce que vous avez vu la guerre résoudre des problèmes ? », interroge l’ancien président de la chambre basse du Burundi.
«Le dialogue…n’échoue jamais. C’est la mauvaise foi ou c’est le temps. Si on entre en guerre on finira par dialoguer, malheureusement après avoir ruiné les sociétés », a-t-il conclu dans un entretien exclusif qu’il a confié à SOS Médias Burundi.
La décision intervient quelques jours après le discours du président Évariste Ndayishimiye qui a accusé le Rwanda d’entretenir des groupes terroristes de Burundais notamment Red Tabara basé dans le Sud-Kivu à l’est de la RDC. Ce groupe armé est soupçonné par les autorités burundaises d’avoir tué 20 civils dont des femmes enceintes et des nourrissons dans une attaque armée du 20 décembre dernier dans la localité de Vugizo en zone de Gatumba, non loin de la frontière avec le Congo.
« C’est ridicule. Même le Congo qui a dit qu’il comptait attaquer Kigali n’a pas fermé ses frontières avec le Rwanda. Acceptons que le Rwanda héberge ces rebelles. Mais ils ne sont pas passés par la frontière rwandaise pour attaquer ! Pourquoi ne pas surveiller les frontières avec le Rwanda et fermer plutôt celles avec le Congo si réellement nos dirigeants veulent protéger la population », analyse un homme qui s’apprêtait à retourner à Nairobi où il travaille, après les fêtes de fin d’année qu’il a passé au Burundi.
Il pense que les autorités burundaises prennent des mesures « insensées » et les qualifie « d’incompétentes ».
« Nos autorités ne pensent jamais au bien-être des Burundais. C’est très décevant. Et d’ailleurs c’est le seul pays dans la sous-région où je passe, qui ferme les frontières à 18h », indique celui qui trouve que « le Burundi est parti sur plusieurs années de pauvreté extrême ».
« Nous n’avons presque pas d’électricité alors que nous sommes dans la ville principale du pays », se lamente-t-il.
Dans un communiqué, le bureau de Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais a annoncé que le Rwanda a appris « cette mesure unilatérale sur les médias ».
Et de regretter une loi qui enfreint la circulation des personnes et des biens et viole les principes de la coopération régionale et de l’intégration au sein de la communauté Est-Africaine.