02 04, 2024
Plusieurs soldats sud-africains qui auraient été déployés par le gouvernement de l’ANC en République démocratique du Congo (RDC) dans le cadre d’une force mal équipée et mal préparée se sont rendus aux rebelles du M23 la semaine dernière. Les soldats seraient maintenant retenus en otage par le M23.
Les soldats font partie d’une force de défense nationale sud-africaine (SANDF) déployée pour attaquer les rebelles du M23 dans l’est de la RDC. Cette décision fait suite au retrait d’une force de sécurité régionale d’Afrique de l’Est, dirigée par le Kenya, qui a évité une confrontation avec le M23.
Source : SANDF
Le président Ramaphosa a entrepris de remplacer le déploiement de maintien de la paix de la Communauté d’Afrique de l’Est dans l’est de la RDC par le déploiement de 2 900 soldats de la SANDF.
Bien que l’est de la RDC soit ravagé par plus de 90 groupes rebelles différents, dont l’extrémiste État islamique (ISIS), M. Ramaphosa a confié au déploiement de la SANDF la mission de détruire le M23, le groupe d’insurgés tutsis endurcis au combat qui a longtemps servi de tampon de sécurité entre le Rwanda et les Forces démocratiques de libération du Congo (FDLR). Les FDLR sont les vestiges de l’armée hutue génocidaire qui s’est réfugiée dans l’est de la RDC en 2004 après le génocide des Tutsis au Rwanda, auquel ont participé quelque 2 millions de personnes. La mission des FDLR, telle qu’elle est énoncée dans leur nom – la « libération du Rwanda » – est de renverser et de détruire le gouvernement de Kagame à Kigali, qui a sauvé le Rwanda du génocide et qui, depuis, a reconstruit un pays moderne sur ses cendres.
Le M23 a été créé après le génocide rwandais en tant que force de défense locale dans l’est de la RDC pour protéger les communautés tutsies de la RDC et du Rwanda contre les attaques incessantes des FDLR, dont le seul objectif politique et militaire est de poursuivre le génocide des Tutsi.
Source : SANDF
Le M23 opère dans l’est de la RDC depuis de nombreuses années, connaît le terrain et est intégré dans la population locale. Les leçons tirées de la Brigade d’intervention de la SADC/Monusco Force et de son successeur, la Force régionale de maintien de la paix de l’Afrique de l’Est, montrent que toute nouvelle force d’intervention en RDC doit être de taille conséquente pour réussir une mission de maintien de la paix.
D’un effectif initial d’environ 19 815 hommes, le personnel en uniforme de la MONUSCO a été ramené à environ 16 316 personnes, dont un effectif maximum autorisé de 14 000 militaires (y compris les troupes du contingent, les experts en mission et les officiers d’état-major), 660 observateurs militaires, 591 officiers de police et 1 050 membres d’unités de police constituées. Ce personnel provient de plus de 50 pays à travers le monde.
Son successeur, la Force de sécurité régionale de l’Afrique de l’Est, comptait entre 6 500 et 12 000 hommes.
La SANDF, en revanche, n’a réussi à déployer que quelques centaines de soldats pour un objectif de 2 900.
Parmi les autres enseignements tirés du déploiement de la Monusco, on peut citer la nécessité d’une couverture aérienne étendue ainsi que d’éléments de transport et d’aviation. Une force d’intervention doit également disposer de capacités de forces spéciales et de mobilité sur des terrains très difficiles. Elle doit également disposer de renseignements tactiques et opérationnels et d’une puissance de feu suffisante.
La SANDF ne dispose que d’un seul avion C-130 pour les transports aériens lourds. Elle n’a pratiquement aucune puissance aérienne à déployer. Elle ne dispose que de quelques hélicoptères pour toutes les missions nationales et internationales – cinq Oryx, sur un total initial de 39, et trois Rooivalk, sur un total de 11.
La SANDF subit de lourdes pertes. Jusqu’à présent, la SANDF a indiqué que deux de ses soldats avaient été tués lors d’un tir de mortier près de la ville de Goma, dans l’est du pays. La SANDF a également indiqué que trois autres soldats avaient été blessés lors de l’attaque. D’autres victimes sont probables chaque semaine et, au-delà, se profile le spectre d’une défaite stratégique désastreuse et coûteuse des forces sud-africaines.
La semaine dernière, la crise autour du déploiement de la SANDF dans l’est de la RDC s’est aggravée de façon spectaculaire. Les SANDF auraient subi davantage de pertes lors de l’attaque des formations du M23. Au cours des combats, plusieurs soldats sud-africains se sont rendus au M23 et ont été faits prisonniers par ce dernier, ainsi que des soldats du Malawi.
Avec la capture des soldats sud-africains par le M23, on se demande pourquoi le président Ramaphosa s’est empressé de déployer une petite force sud-africaine mal préparée, sans la couverture aérienne requise, contre le M23 sur un terrain dangereux. Pourquoi Ramaphosa s’en prendrait-il aux intérêts sécuritaires du Rwanda à sa frontière avec la RDC en faisant de la SANDF un allié involontaire potentiel des FDLR génocidaires ?
Bien que le Rwanda soit un petit pays, c’est un adversaire militaire redoutable. Dans les missions de maintien de la paix, le Rwanda frappe bien plus fort que son poids. Bien qu’il s’agisse d’un petit pays doté de 33 000 soldats, il est le quatrième contributeur mondial aux missions de maintien de la paix des Nations unies.
Le Rwanda est devenu la seule force de sécurité alternative et crédible capable de fournir une assistance militaire bilatérale efficace contre les extrémistes islamistes aux autres membres de l’Union africaine (UA). Seule l’intervention urgente du Rwanda au Mozambique a permis d’arrêter la progression de l’ISIS dans la province septentrionale de Cabo Delgado, après que l’ISIS a vaincu les mercenaires du groupe russe Wagner.
Le Rwanda est le plus proche allié de sécurité en Afrique de plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Pologne. Le Royaume-Uni a signé avec le Rwanda un partenariat pour la migration et le développement économique en décembre 2023. Les États-Unis et le Rwanda ont conclu un accord sur le statut des forces qui permet aux États-Unis de déployer du personnel au Rwanda. La France a travaillé dur pour normaliser les relations avec le Rwanda sous la présidence de Macron, en signant plusieurs nouveaux accords bilatéraux. La Pologne et le Rwanda ont récemment conclu un accord d’acquisition de matériel de défense à la suite d’une visite du président polonais. Israël travaille en étroite collaboration avec le Rwanda depuis de nombreuses années, deux pays dont les peuples ont tous deux subi le traumatisme du génocide.
Cette semaine marque le 30e anniversaire du génocide perpétré par les FDLR et leurs dirigeants contre le Rwanda en 1994. Cet anniversaire commémore l’un des génocides les plus brutaux de l’histoire moderne. Le président Ramaphosa doit assister à la commémoration à Kigali. Ce serait une bonne occasion d’entamer des discussions avec Kigali sur le retrait immédiat du déploiement de la SANDF en RDC.