Le président américain Joe Biden, qui termine son unique mandat à la Maison Blanche, va effectuer une visite en Angola du 13 au 15 octobre. Le choix de ce pays, pour l’unique voyage en Afrique de la présidence Biden, s’explique par la volonté de Washington de sécuriser la route des matières premières stratégiques en Afrique centrale.
Le président américain Joe Biden lors de la conférence de presse tenue à l’issue du 75ème sommet de l’Otan à Washington, DC, le 11 juillet 2024. AFP or licensors
Le choix de l’Angola pour le premier voyage en Afrique de la présidence de Joe Biden montre l’influence croissante de ce pays pétrolifère, bénéficiaire d’un des plus importants investissements américains dans des infrastructures sur le continent, visant à contrebalancer l’influence chinoise.
Lors de cette visite en Angola du 13 au 15 octobre, le président américain – en fin de mandat – visitera ce futur chantier: la réhabilitation d’une voie ferrée reliant le port angolais de Lobito à la République démocratique du Congo (RDC) et la construction d’un embranchement vers la Zambie.
Les 1.300 km de rails de ce «Couloir de Lobito» achemineront sur la côte atlantique des ressources cruciales pour l’économie mondiale – cuivre et cobalt notamment – depuis ces deux pays, riches en minerais mais enclavés.
En recevant en décembre son homologue angolais Joao Lourenço à la Maison Blanche, Joe Biden avait qualifié ce projet – également soutenu par l’Union européenne – de «plus important investissement américain de tous les temps dans le rail africain».
Il entre dans le cadre de l’affrontement géopolitique opposant, sur le continent, Washington et ses alliés à la Chine, laquelle détient entre autres investissements, des mines en RDC et en Zambie.
«Pour Washington, l’Angola est un exemple de pays africain devenu moins idéologique et qui diversifie activement ses relations, pour être moins exposé à la Chine et, dans une moindre mesure, à la Russie», explique à l’AFP Alex Vines, directeur du programme Afrique à Chatham House.
«Washington voit aussi l’Angola comme une moyenne puissance émergente en Afrique».
Rapprochement
Ex-colonie portugaise, ce pays lusophone de 37 millions d’habitants est le deuxième exportateur de brut africain, derrière le Nigeria, selon les chiffres de l’Agence internationale de l’Energie (AIE).
Huitième économie d’Afrique en terme de PIB selon le FMI, l’Angola souffre néanmoins d’une pauvreté et d’un chômage élevé. Selon la Banque mondiale, 58% des jeunes Angolais étaient sans emploi en 2023.
«L’Angola diversifie ses partenariats internationaux, mais doit aussi augmenter ses investissements extérieurs direct», souligne M. Vines. «Augmenter les investissements américains en Angola est important pour Luanda dans la cadre de cette stratégie».
Le rapprochement entre Washington et Luanda n’est pas une évidence.
Dès son indépendance en 1975, l’Angola sombre dans une guerre civile qui durera 27 ans, fera 500.000 morts et ravagera le pays.
En pleine guerre froide, les Etats-Unis soutiennent alors activement la rébellion de l’Unita – appuyée aussi par le régime d’apartheid sud-africain – face au jeune gouvernement du MPLA, marxiste, soutenu par l’Union soviétique. Le MPLA dirige toujours le pays aujourd’hui.
Certes, les Etats-Unis importent du pétrole d’Angola depuis qu’ils ont reconnu le gouvernement MPLA en 1993 – après un processus de paix qui fera long feu.
Mais selon Alex Vines, les relations entre Washington et Luanda se sont considérablement réchauffées depuis que M. Lourenço a succédé en 2017 à l’autocrate Jose Eduardo dos Santos, accusé d’avoir, durant ses 38 ans de règne, détourné la manne pétrolière au profit de sa famille.
Pas d’amis, des intérêts
L’Angola entend également peser au niveau régional, en témoigne sa médiation dans le conflit entre Kinshasa et la rébellion du M23 – que Kigali est accusé de soutenir – dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), laquelle a abouti à un récent cessez-le-feu.
Paix et sécurité mais aussi renforcement de la démocratie seront au menu des discussions du président américain à Luanda, a annoncé la Maison Blanche, alors que groupes de défense des droits de l’Homme et militants de l’opposition dénoncent de nouvelles lois restreignant les libertés des médias et de manifester.
Mais la priorité reste le projet ferroviaire, que Washington dit envisager d’étendre vers l’est jusqu’à l’océan Indien, alors que Pékin s’est engagé en septembre à réhabiliter la Tazara, ligne ferroviaire ouverte en 1976 et reliant la Zambie au port tanzanien de Dar es Salaam.
«Les Etats-Unis veulent contrebalancer l’influence croissante de la Chine en Afrique, particulièrement en Afrique australe. Mais il n’y a aucune garantie que le projet de Couloir de Lobito débouche sur un développement durable et bénéficiant aux habitants», souligne Cesaltina Abreu, sociologue à l’Université catholique de Luanda.
Les Etats-Unis «n’ont pas d’amis, juste des intérêts», avertit-elle.
Pour Heitor Carvalho, chercheur à l’Université Lusiada de Luanda, l’Angola doit «établir des relations équilibrées avec toutes les superpuissances et les puissances, sur des fondements tant politiques qu’économiques».