19 02, 2024
L’’Inspection Générale des Finances et la Cour des Comptes de la République Démocratique du Congo, dans le cadre de leurs missions et sur base de plusieurs soupçons de détournement, sont à pied d’œuvre pour contrôler la gestion des frais de participation à l’Examen d’Etat, pour les éditions 2022 et 2023, que les élèves finalistes du secondaire ont payé à l’Inspection Générale de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique.
En effet, cette mission qui au départ ne concernait que l’IGF et qui a commencé par le contrôle de gestion des frais de fonctionnement que le Trésor Public alloue mensuellement à la Direction Nationale de Contrôle et de Préparation de la paie, la Maitrise des effectifs des Enseignants et du Personnel Administratif des Etablissements scolaires (DINACOPE, ex. SECOPE), vient d’être renforcée par la Présidence de la République, au vu des indices sérieux de détournement des fonds, en y associant des Magistrats et des Auditeurs de la Cour des Comptes.
A travers une correspondance datée du 14 février 2024, le Directeur de Cabinet du Président de la République, Guylain Nyembo Mbwizya, a écrit au Premier Président de la Cour des Comptes ce qui suit :
« Je vous demande de bien vouloir designer une équipe des Magistrats et Auditeurs de la Cour des Comptes pour travailler avec les Inspecteurs des Finances déjà à l’œuvre, afin de contrôler la gestion de la Direction Nationale de Contrôle de la Paie des Enseignants (DINACOPE, ex. SECOPE, ainsi que l’affectation faite par l’Inspection Générale de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique, des frais de participation aux examens d’Etat éditions 2022 et 2023 payés par les élèves ».
Et d’ajouter : « A la fin de cette mission, un rapport conjoint assorti des recommandations devra être soumis à Son Excellence Monsieur le Président de la République ».
Cette mission mixte beneficie de l’approbation de la grande majorité des opérateurs pédagogiques qui estiment qu’elle est d’une importance capitale dans la mesure où elle va éclairer l’opinion nationale et précisément le Chef de l’Etat, Felix-Antoine Tshilombo, qui prône la gratuité de l’enseignement de base, tout en luttant pour la suppression et la réduction drastique de tous frais scolaires qui sont encore officiels, sur l’utilisation exacte de ces frais, étant donné le Gouvernement de la République alloue des frais à l’organisation de l’Examen d’Etat.
« Nous saluons, à juste titre, cette mission jumelée de l’IGF et la Cour des Comptes, pour contrôler la gestion de ce que nous payons obligatoirement à l’Inspection de l’Enseignement pour l’Examen d’Etat. Nous avons toujours eu échos du partage dont fait l’objet ces frais, entre plusieurs responsables de l’EPST, à partir des murmures des agents d’appoint qui sont commis à la perception. Nous avons plusieurs fois été témoins d’embarquement des sacs d’argent dans des véhicules pour une destination que nous ignorons, au moment que nous payons sous pression», a déclaré sous anonymat à notre rédaction, un préfet des Etudes et Chef d’Etablissement.
D’entrée de jeu, précisons que ces frais sont fixés par des Gouverneurs de provinces et varient selon les provinces.
Pour la ville de Kinshasa, de 2022 à nos jours, ils sont fixés à 85.000 FC, répartis comme suit : Hors Session, 54.000 FC et Session Ordinaire, 31.000 FC.
Cependant, signalons qu’hormis les frais de participation, l’élève paye au préalable et obligatoirement, les frais d’inscription au rôle pour obtenir la fiche E.01, qui est la première opération dans l’organisation de l’Examen d’Etat. Ils sont aussi fixés par les Gouverneurs de provinces et à Kinshasa, ils s’élèvent à 24.000 FC.
A ceci s’ajoutent obligatoirement aussi les frais de numérisation qui sont fixés à 9.000 FC et ceux de la capture de photo qui s’élèvent à 4000 FC. Tout compte fait, pour être aligné en tant que candidat régulier à l’Examen d’Etat dans son école, l’élève finaliste du secondaire paye d’abord le montant total de 37.000 FC, couvrant les frais des fiches, de numérisation et de photo, au niveau de l’Inspection provinciale du ressort qui agit pour le compte de l’Inspection Générale et ce, avant l’opération C7 c.à.d le contrôle des dossiers. La répartition de cet argent aussi est floue.
Comprenons que l’Examen d’Etat est une mine d’or sur laquelle sont assis les grands responsables de l’EPST, notamment le Ministre national, le Secrétaire Général, les Gouverneurs de Provinces, les Directeurs provinciaux, l’Inspecteur Général, les Inspecteurs Principaux Provinciaux et peut-être aussi les invisibles.
Contacté à ce sujet, un Inspecteur Chef de Pool de Kinshasa qui a requis l’anonymat, a souligné que l’Examen d’Etat a aujourd’hui perdu son sens traditionnel pour se transformer en une activité lucrative, avec la complicité de tout le monde : école, parent, élève et l’organisateur.
« Lorsqu’on organise l’Examen d’Etat aujourd’hui, c’est tout le monde qui focalise d’abord son attention à l’aspect financier. Avec regrets, nous remarquons que cet Examen qui est censé jauger le niveau des élèves et sanctionner la fin de leur cycle, en reflétant le niveau réel de chacun, est transformé en une activité financière où tout le monde, complice, veut tirer sa part. Les écoles demandent plus que ce qui est officiellement prévu et les parents donnent. Lors de la passation, les Chefs des Centres perçoivent des frais d’organisation matérielle, les écoles donnent malgré que c’est interdit. Les frais officiels perçus par l’Inspection sont gérés avec opacité », nous a-t-il déclaré.
Pour rappel, Steve Mbikayi Mabuluki, alors Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, avait proposé la suppression de l’Examen d’Etat pour le remplacer à un diplôme de fin de cycle secondaire que décernerait chaque école secondaire agréée par l’Etat à ses élèves finalistes et ce, dans l’objectif de combattre la fraude au sein du système éducatif congolais.
« On ne peut pas organiser un Examen qui coûte très cher à l’Etat pour produire des enfants qui n’ont rien en tête », disait-il en 2018.
Cette déclaration de l’ancien Ministre de l’ESU, Steve Mbikayi, confirme que l’Examen d’Etat est financé par le Trésor Public, en dépit du fait que les élèves payent également des frais exorbitants qui sont gérés et repartis de la manière dont seuls le Ministre et ses collaborateurs connaissent.
L’occasion faisant le larron, signalons que l’édition 2024 en cours de l’Examen d’Etat a failli être marquée par un harcèlement financier sans précédent. Elle est sauvée de justesse par l’intervention du député national Willy Bolio qui avait déposé au Bureau de l’Assemblée Nationale le 26 septembre 2023, une question orale avec débat, contre le Ministre de l’EPST, Tony Muana Kazadi, qui voulait exiger aux parents de payer les frais de participation pour l’édition en cours, avant le 25 octobre 2023, mais aussi pour la double publication des résultats de l’Examen d’Etat édition 2023.
La montée au créneau de cet élu de la circonscription électorale de Bolobo, dans la province de Mai-Ndombe, pour la législature 2018, a entrainé du recul du côté du Ministre, qui a visiblement eu peur en gardant silence. Les PROVED et IPP qui avaient déjà organisé des réunions pour annoncer ladite décision aux Chefs d’Etablissements scolaires, s’étaient également tus.
De leur côté aussi, profitant du recul de Tony Muaba et voyant une tentative de détournement de sa part à la veille des élections générales de décembre 2023, les Inspecteurs Principaux Provinciaux (IPP), n’avaient finalement plus obtempérer à son mot d’ordre d’ouvrir des comptes bancaires pour le payement de 37.000 FC exigés pour la fiche et la photo, ainsi que pour la numérisation qui s’apparente à une vaste escroquerie selon plusieurs Préfets des Etudes. Ils les ont perçus dans leurs guichets respectifs, comme d’habitude.
Somme toute, la Présidence de la République doit ouvrir l’œil dans ce sous- secteur de l’EPST où il y a à boire et à manger dans la gestion de différents frais. L’agitation dont a fait preuve Tony Muaba Kazadi, au début de ce mois, lors de la mission de l’IGF à la DINACOPE, étonne.
Pourquoi s’était-il interposé, car le contrôle ne concernait pas son cabinet, mais plutôt un service qui a une autonomie de gestion ? Où était le Directeur National-Chef de Service, Papy Mangobe ?, pouvons-nous nous interroger.
En dépit des attaques verbales à travers les medias par certaines personnes véreuses qui profitent des détournements des deniers publics pour s’enrichir illicitement, l’Inspection Générale des Finances doit rester déterminée pour aller jusqu’au bout de sa mission, parce l’argent du contribuable congolais doit être réellement affecté pour l’intérêt général. Maintenant que la Cour des Comptes est associée, l’équipe est renforcée.
Une question fondamentale reste pendante, à savoir : Pourquoi exiger les frais de participation aux élèves, alors que cet Examen est subventionné par l’Etat ?
Nous espérons qu’à l’issue de ce contrôle, les sanctions seront infligées aux coupables et que ces frais seront supprimés. Qu’il en soit de même pour le Test National de Préparation et d’Orientation Scolaire et Professionnelle (TENASOSP), à l’instar des frais d’Examen National de Fin d’Etudes Primaires (ENAFEP).
Bref, l’opinion nationale attend les résultats de cette mission conjointe, Cour des comptes et l’IGF, qui sont à pied d’œuvre pour tirer au clair la gestion des frais de participation à l’Examen d’Etat, en République Démocratique du Congo, et estime que même les frais divers (fiche, photo et numérisation) doivent faire l’objet d’un contrôle rigoureux.