12.01.2024
Denis Kadima, le président de la Commission électorale nationale indépendante éclaboussé par une enquête des ONG CREFDL et DRI.
Le plus farouche sceptique du système Denis Kadima Kazadi, ce n’est (était) ni Moïse Katumbi, moins encore Martin Fayulu mais, bien au contraire, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima. Un maniaque de chiffres, selon Sele Yalaghuli. Kazadi Kadima a toujours douté de Kadima Kazadi et s’est plus d’une fois offusqué, en Conseils des ministres, sur le volet financier du processus électoral.
Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL), avec l’appui de l’ONG allemande Democracy Reporting International (DRI), a mené une analyse du processus des marchés publics dans le cadre des opérations électorales, entre 2017-2019 et 2021-2023. Du Congo hold-up ! la Cour des comptes a-t-elle un seul instant, effectué ne fût-ce qu’une simple lecture verticale des livres comptables de la CENI ? Si Daniel Ngoy Mulunda et Corneille Naanga ont dealé avec la BGFIbank pour des opérations financières ténébreuses, Denis Kadima s’est lui allié à la Rawbank, propriété de la famille Rawji, tout comme la société PRODIMPEX SA, à qui Kadima a offert un juteux marché de fourniture des groupes électrogènes.
Comme ses prédécesseurs, Kadima a foulé aux pieds la loi sur les marchés publics, s’employant à une procédure de gré à gré plutôt sauvage. Que de détournements présumés notamment 38 pickups Hilux commandés à CONGO MOTORS, révèle l’enquête de CREFDL et DRI. Et par-dessus, concernant les scrutins du 20 décembre, qui par endroits, se sont étalés sur deux à sept jours, 25% des cartes d’électeur n’ont pas été retracées et, la CENI n’a pas pu localiser 7 000 DEV, les fameuses machines à voter de trop, conséquence d’une commande superflue. Déjà, les limiers de CREFDL avaient établi que 5 centres et 4 000 kits d’enrôlement n’ont point été localisés. Entre 2021 et novembre 2023, note CREFDL, le gouvernement a effectué un versement de 1 091 479 898 $ à la CENI pour financer les opérations électorales contre une demande 1,1 milliard de dollars, d’après les états de suivi budgétaires 2021- novembre 2023 et le Plan de trésorerie du pouvoir central.
Une prévision 2024, de 190,1 millions $US injustifiée
Cependant, comparés aux budgets votés de 711 millions USD, il se dégage un taux d’exécution de 153,31%, soit un dépassement de 53,31%. Elle attend encore un montant de 190,1 millions $. Entre le montant déclaré par la CENI et le fonds retracés par la comptabilité publique, il se dégage un montant flottant non déclaré de 161,4 millions $, détaille l’enquête. La situation paraît, poursuivent les limiers de CREFDL, similaire à celle que le pays a connue entre 2016-2019, du temps de Corneille Naanga, l’ex-président de la CENI devenu rebelle à la solde du M23. Il se trouve que la CENI a bénéficié d’un appui du gouvernement de l’ordre de 706 317 745,4 $US, selon les rapports de reddition des comptes de la période contre les prévisions de 1,5 milliard $, soit un taux d’exécution de 45,03%.
Au terme des opérations électorales, la CENI a déclaré avoir reçu 817,4 millions $, dégageant un dépassement de 111,1 millions $ que la comptabilité publique n’a pas encore retracée. Alors que la CENI a recouru à des dispositifs électroniques pour amoindrir le coût des opérations électorales, un tableau démontre d’ailleurs bien que le budget du cycle électoral 2021-2023 reste très élevé. Le bureau actuel a obtenu plus de moyens, enregistrant un accroissement de 274 millions $, soit 25,1% par rapport au dernier cycle clos. Même si le cycle 2022-2027 a intégré les élections locales, avec les dispositifs électroniques acquis par la CENI, le gap attendu de 190,1 millions USD ne pourrait servir à rien. Car, les besoins ont été largement financés. Tenez, le budget de 1,3 milliard USD présenté par la CENI en 2017 a été réduit à 800 millions $ suite à l’introduction du vote semi-électronique. Ces mêmes dispositifs sont encore d’application. Les prévisions budgétaires des exercices budgétaires 2016-2019 le démontrent clairement. Et il s’établit de manière aussi claire que la gestion des marchés publics de la CENI est caractérisée par “une budgétisation forfaitaire, fondée sur des faits aléatoires. Un acte qui entraînerait une perte de deniers publics de près de 400 millions USD entre 2022 et 2023 et 640 millions $ lors du cycle précédent, faute de justification. Le circuit de la dépense publique ne fonctionne pas. Les fonds publics sont toujours mis à la disposition de la CENI par des mécanismes opaques, notamment sans l’émission en amont des bons d’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et l’émission des ordres de paiement informatisé (OPI)”.
La CENI “invalide” la loi sur les marchés publics
Les chercheurs de CREFDL relèvent notamment l’inadéquation entre les marchés publics repris sur les différents plans de passation des marchés publics (PPM), le Plan d’engagement budgétaire et le Plan de Trésorerie du pouvoir central (PTR). Tous les marchés effectués par la CENI sont hors cadre budgétaire, certains n’ont reçu aucune autorisation du Parlement et d’autres bénéficient de l’exécution sans l’avis de non objection préalable, soit un manque de crédit ou ne figurent pas sur le PPM.
Machines à voter, générateurs…véhicules, des commandes surfacturées
La CENI, selon le CREFDL, a commandé 33 000 machines à voter neuves, qui coûtent 109 869 726 USD pour compléter le stock de 80 000 existant dans le cadre des scrutins du 20 décembre 2023, selon le budget approuvé par l’Assemblée plénière et la CGPMP. Après constations des affectations, ce montant payé à Miru Systems pour les 33 000 machines dégage un dépassement de 62 778 726 $US.
Outre la surfacturation, le système Kadima s’est aussi employé à créer des marchés surfinancés et/ou dupliqués. “Après l’achat de 58 315 000 cartes d’électeurs auprès de MIRU SYSTEMS SARL, 43 941 891 d’électeurs ont été enrôlés. L’enquête révèle que 14 373 109 des cartes d’électeurs n’ont pas été utilisées. En 2023, la CENI a encore dépensé 1 000 000 USD pour acheter des cartes d’électeurs supplémentaires pour délivrer les duplicatas. Pour les scrutins de décembre, 58 200 864 bulletins de vote ont été achetés au coût de 16 296 242 USD, alors que le nombre d’enrôlés est de 43 941 891. Ces prévisions dégagent une quantité supplémentaire de 14 258 973 bulletins de vote. Entre les deux dépenses effectuées, il se dégage 14 373 109 cartes d’électeurs non utilisées et 14 258 973 bulletins de vote que la CENI devrait justifier l’utilisation, conclut CREFDL, tout en mettant en exergue le fait que la CENI a versé dans “l’arbitraire” pour offrir le marché d’acquisition des machines à voter à MIRU SYSTEMS SARL. “Le seul fournisseur, notent les enquêteurs de CREFDL, qui a remporté les plus importants marchés publics évalués à 321,4 millions $, dont 1 de manière régulière et 9 de gré à gré truffés”. Il s’en est suivi le remplacement du matériel électoral sur fond de motivation fallacieuse.
Lors du cycle électoral 2016-2019, la CENI a acquis 22 220 kits biométriques destinés à l’identification et enrôlement des électeurs auprès du fournisseur GEMALTO SA pour un montant de 40 047 409,40 € hors taxe. Ces kits ont été déclarés vétustes et/ou obsolètes entre avril et mai 2022 par l’actuel bureau de la CENI, sans donner plus de détails. Selon le ministère du Budget, 50% de ces kits avaient été prêtés à la République du Togo et seraient en mauvais état. Par contre, 50% d’autres devraient servir pour l’opération d’inscription des électeurs pour le cycle en cours. Ce prétexte évoqué par l’actuel bureau de la CENI, de déclasser les 22 220 Kits biométriques acquis en 2017 sont les mêmes évoqués par l’équipe de Corneille Naanga pour déclarer hors d’usage tous les kits hérités de Daniel Ngoy Mulunda.
Ce qui a permis à la CENI de lancer de nouveaux achats, creusant un manque à gagner de 45 millions $ au Trésor public.
La procédure d’appel d’offres relève plutôt de l’exception, Denis Kadima se complaint dans la prépondérance de gré à gré. Tenez, sur 54 marchés publics effectués entre 2021 et 2023, 83,3 % l’ont été de gré à gré et 16,7% ont été effectués par appel d’offres. La majorité des marchés de gré à gré ont été attribués avant que les soumissionnaires n’apportent leurs offres à la CENI. C’est notamment les cas des marchés de fourniture des bulletins de vote et des dispositifs électronique de vote. Naturellement, la transparence ne peut nullement être le point fort du système Kadima : sur 467 documents des marchés publics produits et censés être publiés, mais 13 seulement l’ont été et sont accessibles au public, 454 documents par contre demeurent non publiés. Même la Cellule nationale des renseignements financiers ( Cenaref) n’a rien vu de pratiques de corruption et de blanchiment d’argent dont le CREFDL incrimine la CENI.
Le bureau Kadima a acheté 58 315 000 cartes d’électeurs auprès de MIRU SYSTEMS SARL, pour l’opération d’enregistrement des électeurs. Au terme de celle-ci, la CENI a déclaré dans son communiqué de presse n°062/CENI/2023 du 15 novembre 2023 avoir enrôlé 43 941 891 électeurs.
25% des cartes d’électeurs dissimulés
L’enquête de CREFDL démontre que ce chiffre dégage une quantité de 14 373 109 cartes d’électeurs non utilisées par la CENI soit 24,64% de la commande. En 2023, la CENI a effectué une nouvelle commande des cartes d’électeurs pour un coût total de 1 000 000 $US, dans le cadre de la délivrance des duplicatas. Pourtant, la CENI devrait utiliser le stock restant en 2022 pour couvrir cette charge. Cette dépense apparait inopportune, soutient le CREFDL.
Cinq centres et 4 000 kits d’enrôlement, 7 000 DEV de trop et non localisés
S’agissant du nombre des kits bureautiques, la CENI a déclaré l’achat d’une quantité de 25 000 pièces. La direction des opérations électorales, de son côté, a déclaré l’affectation de 29 000 kits d’enrôlement dans 22 271 centres d’inscription. Ceci dégage un écart de 4 000 kits entre ceux achetés et affectés dans les CI, l’équivalent de 2 800 000 $US. Il faut relever que dans son rapport déposé à l’Assemblée nationale au mois de mai 2023, la CENI a déclaré l’opérationnalisation de 22 276 centres d’inscriptions. Après analyse des documents, il s’observe des statistiques de la CENI un écart 5 centres d’enrôlement. Selon les membres de la plénière, le nombre des Kits d’inscription validés conformément à l’article 42 al.3 de la loi organique de la CENI et achetés s’élève à 33 000. Comparé à la quantité communiquée officiellement, il ressort un écart de 4 000 entre les kits affectés dans les centres d’inscriptions et ceux approuvés par l’Assemblée plénière.
Et concernant les fameux DEV, matériels de vote électronique achetés auprès de MIRU SYSTEMS, il sied de rappeler que la CENI a effectué une commande de 33 000 machines neuves pour compléter le stock de 80 000 en vue des scrutins du 20 décembre 2023. Au total, 113 000 machines pour usage dans 74 781 bureaux de vote. Lors du cadre de concertation CENI et candidats à la présidentielle, le 12 novembre 2023, le numéro un de la CENI, Denis Kadima, avait annoncé l’achat de 26 000 machines neuves en complément au stock acquis en 2018. Entre les déclarations du président de la CENI et l’équipe technique CENI-CGPMP (contrôle de plans de passation des marchés publics), il se dégage, selon CREFDL et DRI, une quantité de 7 000 machines, soit l’équivalent de 9 989 000 USD flottant.
Trente-huit pickups déroutés
La CENI, poursuivent les enquêteurs de CREFDL, a acheté 67 véhicules auprès de CENTRAL MOTORS à hauteur de 4 277 700 $US. Ce contrat de véhicules a été exécuté, rapporte le CREFDL, dans un climat de tensions entre l’autorité contractante d’une part et le fournisseur d’autre part. À la base, le non-respect des contrats n°007/CGPMP-CENI/MF/06/2022 et n°011/CGPMP-CENI/MF/08/2022. Le 13 juillet 2023, le DG de MOTORS SARL, George Rizk, a adressé une deuxième sommation à la CENI pour apurer le solde du contrat de 850 385 $US et la totalité du premier contrat de 36 pick-up double cabine soit 2 952 000 $US. Pourtant, la CENI aurait pu solder ces montants depuis la fin de l’exercice budgétaire 2022, car ayant obtenu du gouvernement 500 000 000 USD contre les prévisions de 250 000 000 USD, soit 200%. Il faut relever par ailleurs que les deux contrats, l’un signé en juin 2022 et l’autre en août 2022 retracent un lot de 58 Pick-up 4×4 de marque HILUX double cabine pour un montant de 4,1 millions de dollars, alors que dans son rapport 2022-2023 la CENI déclare l’achat de 28 pick-up seulement et 38 n’apparaissent pas. La majorité des véhicules acquis ont été distribués aux membres du bureau et de l’assemblée plénière, qui disposent entre 3 à 4 chacun.
Par ailleurs, la CENI a attribué à PRODIMPEX SA le marché de livraison des 26 000 groupes électrogènes pour un montant total de 437 093,8 $US. Le prix unitaire appliqué est de 16 811 $US mais la CENI n’a pas indiqué dans l’avis d’attribution la marque ni la capacité de générateur acheté. Cela démontre de l’absence de transparence dans les acquisitions affectées aux différentes antennes de la CENI.
Notons que cette société appartient au groupe RAWJI, l’un des plus grands conglomérats de la RDC. Le groupe indien est aussi propriétaire de la société BELTEXCO, de RAWBANK. Une banque indexée en 2019, dans le dossier de la décote des produits pétroliers de 15 000 000 $US ou encore celui de la mise en œuvre du programme d’urgence de 100 jours de Félix Tshilombo