08 08, 2023
La Centrafrique approuve un projet constitutionnel ouvrant la voie à un nouveau mandat de Touadéra
Un projet de nouvelle constitution qui devrait permettre au président de la Centrafrique, Faustin-Archange Touadéra, de briguer un nouveau mandat en 2025, a été approuvé par référendum à une écrasante majorité, a annoncé l’Autorité nationale des élections (ANE) lundi.
Accusé par l’opposition centrafricaine de vouloir rester président à vie, Faustin-Archange Touadéra pourrait au moins briguer un troisième mandat, après la large victoire du « oui » en faveur d’un nouveau projet constitutionnel, lundi 7 août, dans le cadre d’un référendum.
Lors du scrutin du 30 juillet, les électeurs ont voté à 95,27 % en faveur du pour, et 4,73 % contre, avec une participation qui s’est établie à 61,10 %, a déclaré lundi le président de l’Autorité nationale des élections (ANE), Mathias Morouba.
Le vote, dont l’issue faisait peu de doute, avait été boycotté par les principaux partis d’opposition, organisations de la société civile et groupes armés rebelles.
Ces résultats « provisoires » doivent être entérinés par la Cour constitutionnelle, qui doit proclamer les résultats définitifs le 27 août.
Élu en 2016, Faustin-Archange Touadéra avait été réélu en 2020 à l’issue d’un scrutin perturbé par des groupes armés rebelles et entaché d’accusations de fraude.
Avec cette nouvelle loi fondamentale supprimant la limite du nombre de mandats présidentiels, et leur prolongement de cinq à sept ans, aucun obstacle n’empêche plus le chef de l’État de 66 ans de briguer la présidence une troisième fois en 2025. Réélu, il pourrait atteindre les 16 ans à la tête de ce pays de 5,4 millions d’habitants, dont le territoire est à peu près équivalent à ceux de la France et du Benelux réunis.
L’opposition centrafricaine n’avait pas attendu les résultats du scrutin pour accuser Faustin-Archange Touadéra de vouloir rester « président à vie » d’un des pays les plus pauvres au monde, le tout sous la protection des mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner, déployés en Centrafrique depuis 2018.
« C’est un vaudeville, une comédie (…) Nous avons tous vu que les gens ne sont pas allés voter et ça ne reflète pas la volonté du peuple centrafricain », a assuré Crépin Mboli-Goumba, le coordonnateur du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC) à l’AFP.
Des opposants au référendum harcelés
Le 22 septembre 2022, Faustin-Archange Touadéra avait essuyé un revers juridique quand la Cour constitutionnelle avait annulé un décret créant un comité chargé de rédiger une nouvelle constitution. La cour avait notamment invoqué le fait que le Sénat, chambre haute du Parlement prévue dans la précédente constitution, n’avait toujours pas été mis en place.
Le pouvoir a mis à la retraite d’office en janvier 2023 la présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan, principale artisane de l’invalidation, tandis que le Mouvement cœurs unis (MCU) du président Touadéra, archi-majoritaire à l’Assemblée nationale avec l’appoint de partis satellites, occupait l’espace en multipliant les manifestations pour fustiger la juridiction suprême et réclamer une nouvelle constitution par voie référendaire.
Des responsables gouvernementaux centrafricains ont menacé et harcelé des adversaires du référendum, d’après l’ONG Human Rights Watch (HRW), et les autorités ont interdit une manifestation de l’opposition dans la capitale.
Selon Human Rights Watch, des responsables de l’ambassade de Russie en Centrafrique avaient rendu visite à l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle pour demander des conseils sur la manière de modifier la constitution.
Moscou à la rescousse
Le pays a été le théâtre d’une guerre civile meurtrière, qui a éclaté en 2013 quand une alliance rebelle dominée par les musulmans, la Séléka, a renversé le président François Bozizé. Ce dernier a mobilisé des milices d’autodéfense à majorité chrétienne et animistes, les anti-balakas, pour tenter de reprendre le pouvoir, dans un pays où 71 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
Des milliers de civils ont été massacrés jusqu’au paroxysme de la guerre en 2016 et l’Onu a accusé Séléka et anti-balakas de crimes contre l’humanité, malgré la présence d’une importante force de maintien de la paix de Casques bleus.
En 2020, les plus puissants des groupes rebelles, qui occupaient alors plus des deux tiers du territoire, se sont rassemblés pour lancer une vaste offensive sur Bangui.
Faustin-Archange Touadéra a appelé Moscou ainsi que des soldats rwandais à la rescousse de son armée démunie, et des centaines de mercenaires de la société de sécurité privée Wagner sont venus renforcer des centaines d’autres déjà présents depuis 2018.
Ils ont permis de sauver le régime et de repousser les rebelles de la majeure partie des territoires qu’ils occupaient. Ces derniers mènent désormais des opérations de guérilla.