06.08.2023
L’Arabie Saoudite accueille ce week-end une réunion sur l’Ukraine à Jeddah, où des conseillers à la sécurité nationale et d’autres hauts fonctionnaires d’une trentaine de pays ont été invités. Les diplomates ukrainiens et occidentaux espèrent que ce sommet, auquel ne participe pas la Russie, aboutira à un consensus sur les principes clés d’un futur accord de paix.
Le royaume est en quête d’influence mondiale. L’Arabie saoudite accueille, à partir du samedi 5 août 2023, une réunion sur l’Ukraine. Kiev s’attend toutefois à des discussions « pas faciles » selon un représentant ukrainien, alors que Riyad a fait la part belle aux puissances émergentes proches de Moscou.
La richissime monarchie du Golfe a annoncé, vendredi, la venue de « conseillers de sécurité de pays frères » pour discuter de la « crise ukrainienne », à Jeddah, sur les bords de la mer Rouge, sans dévoiler le nom des États y participant.
Selon l’agence de presse officielle SPA, cette réunion de deux jours reflète la « disposition du royaume à exercer une mission de bons offices » pour parvenir à « une paix permanente ».
« Les discussions ne seront pas faciles, mais la vérité est de notre côté », a déclaré Andriy Yermak, chef de l’administration présidentielle ukrainienne qui doit représenter le pays à Jeddah. « Nous avons de nombreux désaccords et nous avons entendu de nombreux points de vue », a-t-il ajouté dans une interview télévisée, soulignant l’importance de faire valoir la position ukrainienne : « Notre tâche est d’unir le monde entier autour de l’Ukraine ».
Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud présents
Une trentaine de pays, ne comprenant pas la Russie, ont été invités, assurent à l’AFP des diplomates qui ont requis l’anonymat.
Selon eux, Riyad a particulièrement tenu à recevoir le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, membres des Brics (avec la Russie) qui, contrairement aux Occidentaux, n’ont pas pris partie pour l’Ukraine sans toutefois soutenir l’invasion russe lancée en février 2022.
Critiquée par les pays occidentaux pour son refus de condamner la Russie, la Chine a envoyé à Jeddah son émissaire pour l’Ukraine, Li Hui. Pékin s’est dit déterminé à « continuer de jouer un rôle constructif pour un règlement politique de la crise ukrainienne ».
L’Inde et l’Afrique du Sud ont aussi fait état de leur participation. Paris est, de son côté, représenté par Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique du président Emmanuel Macron, selon l’ambassade de France à Riyad.
« Puissance moyenne mondiale »
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait salué vendredi une réunion « très importante » en Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole brut.
L’Ukraine, avec les États-Unis, a néanmoins reproché à Riyad de faire le jeu de la Russie, sous le coup de sanctions occidentales, en menant conjointement avec elle une politique pétrolière visant à doper les prix sur les marchés mondiaux.
Également à l’œuvre dans les pourparlers sur le Soudan, théâtre d’un conflit depuis mi-avril, l’Arabie saoudite, après plusieurs années de politiques erratiques sous la houlette du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), se voit aujourd’hui en faiseur de paix.
Le royaume a assaini ses relations avec ses propres rivaux, à commencer par le Qatar, la Turquie et même, cette année encore, l’Iran et la Syrie.
La réunion de Jeddah « illustre parfaitement le succès de la stratégie multipolaire de l’Arabie saoudite », dit à l’AFP Ali Shihabi, un analyste saoudien proche du pouvoir.
Mais si elle cherche à s’imposer en « puissance moyenne mondiale », l’Arabie saoudite espère aussi « faire oublier certains de ses échecs passés, comme son intervention au Yémen ou l’assassinat de Jamal Khashoggi », souligne à l’AFP Joost Hiltermann, responsable du Moyen-Orient à l’ONG spécialisée International Crisis Group.
Se refaire une place sur la scène internationale
L’Arabie saoudite a lancé, en 2015, une opération militaire au Yémen voisin pour y soutenir les forces gouvernementales combattant les rebelles houthis, proches de l’Iran. Les accusations de crimes de guerre et la crise humanitaire, l’une des pires au monde, a terni l’image du royaume.
Mais c’est la stupeur provoquée par l’assassinat, en 2018, du journaliste critique saoudien Jamal Khashoggi par des agents saoudiens à Istanbul qui a plongé l’Arabie saoudite, jadis discret, dans sa plus grande tourmente diplomatique.
La volatilité des marchés de l’énergie liée à la guerre en Ukraine a toutefois donné l’occasion à l’Arabie saoudite de se refaire une place sur la scène mondiale.
L’Arabie saoudite a soutenu les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU dénonçant l’invasion russe ainsi que l’annexion déclarée par Moscou de territoires dans l’est de l’Ukraine.
En mai, le royaume avait convié à un sommet de la Ligue arabe Volodymyr Zelensky, qui en avait profité pour accuser certains dirigeants de la région de fermer les yeux sur l’invasion russe.