10 08 2023
Le général Moussa Salaou Barmou, très proche de l’Amérique, est désormais au coeur de la junte au pouvoir au Niger, titre le Wall Street Journal dans un article publié mercredi. «Le général Moussa Salaou Barmou, partenaire de très longue date de Washington dans la lutte anti-terroriste, a émergé en tant que canal diplomatique privilégié entre les Etats-Unis et la junte», écrit le WSJ. Ce qui est largement un camouflet pour la diplomatie française au plus mal avec les militaires désormais au pouvoir qui accusent sans preuves Paris d’avoir aidé les djihadistes.
Il y a deux jours, c’est le général Barmou qui a reçu à Niamey la sous-secrétaire d’Etat Victoria Nuland, qui s’est déplacée en urgence pour offrir sa médiation en vue d’une sortie de crise, la France ayant échoué dans son projet de représailles militaires contre les putschistes.
Le 7 août, à partir de Niamey, Victoria Nuland s’est prêtée à un point de presse dans lequel elle a insisté sur l’importance pour les Etats-Unis de la relation bilatérale avec le Niger et les défis posés à la poursuite de cette coopération par le coup d’Etat du 26 juillet.
«Le Secrétaire m’a demandé d’entreprendre ce voyage parce que nous voulions parler avec franchise aux personnes responsables de cette contestation de l’ordre démocratique afin de voir si nous pouvions essayer de résoudre ces questions par la diplomatie, si nous pouvions lancer des négociations et aussi pour clarifier au maximum les enjeux de nos relations et de nos appuis dans tous les domaines que nous serons obligés d’interrompre si la démocratie n’est pas restaurée», a-t-elle dit lors du point de presse disponible en ligne.
Le rappel à l’ordre constitutionnel
Avec le général Barmou et trois des colonels qui l’accompagnaient lors de la rencontre, «les conversations ont été extrêmement franches et parfois assez difficiles parce que, à nouveau, nous poussons en faveur d’une solution négociée. Ca n’a pas été facile de gagner du terrain car ils sont assez fermes sur leur vision de la façon dont ils veulent procéder et cela n’est pas conforme à la constitution du Niger.»
L’implication américaine est à analyser à la lumière du risque de basculement du Niger dans le camp russe choisi par ses deux voisins du Mali et du Burkina Faso. Victoria Nuland a d’ailleurs précisé qu’elle avait «soulevé la question de Wagner et de la menace que (la société) représente pour les pays où elle est installée. En ce qui concerne Wagner, je dirais que j’ai eu le sentiment aujourd’hui que les gens qui ont commis cet acte ici comprennent parfaitement les risques pour leur souveraineté en cas d’invitation de Wagner.»
Elle a insisté sur l’atout que représentait le général Barmou pour les Etats-Unis. «Le général Barmou est quelqu’un qui a travaillé très étroitement avec les forces spéciales américaines pendant de très nombreuses années. Donc nous avons pu explorer en détail les risques encourus par certains aspects de notre coopération dont il s’est historiquement beaucoup occupé.»
Le général Salaou Barmou a été nommé chef d’état-major général de l’armée nigérienne par la junte, le lendemain de sa rencontre à Niamey avec l’émissaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le général nigérian à la retraite Abdousalami, à la veille de l’expiration de l’ultimatum de la CEDEAO. Jusque là, il commandait les forces spéciales du Niger. Il figure sur la première photo de famille de la junte la nuit du coup d’Etat.
«Barmou est le type que les Etats-Unis ont envoyé à la prestigieuse université nationale de la défense à Washington D.C. Il est le type qui a invité à dîner des officiers américains chez lui. Il est le type chargé des forces spéciales cruciales pour freiner l’avancée des combattants d’Al Qaida et de l’Etat islamique à travers l’Afrique de l’Ouest. ‘Le Général Barmou, a dit il y a quelque mois un officier de la défense américain, est LE type.’’
«Pendant les deux semaines depuis le coup d’Etat, Barmou est devenu le principal canal diplomatique entre les Etats-Unis et la junte. Les officiers et les diplomates américains ont son numéro dans leurs téléphones et pensent qu’il est leur meilleure chance de restaurer la démocratie et de prévenir une sale guerre régionale qui plongerait l’une des régions les plus pauvres du monde dans une crise encore plus profonde», poursuit le Wall Street Journal.
«Beaucoup d’entre nous qui l’aimons bien espérons, en quelque sorte, qu’il pourra aider à l’atterrissage en douceur de cette affaire», a dit le général de l’armée de l’Air en retraite Mark Hicks, qui a dirigé les opérations des forces spéciales en Afrique de 2017 à 2019 et qui considère Barmou comme un ami proche.
Etoile montante repérée par les Américains dans les années 90, Barmou a suivi des cours à l’Université des opérations spéciales conjointes, qui jouxte le quartier général du commandement des opérations spéciales à Tampa. Il est titulaire d’un master en études de sécurité stratégiques délivré par l’Université de la Défense nationale.