Le procès sur le projet d’installation de 1000 stations de traitement d’eau à travers la RDC est à sa deuxième audience. Devant les juges de la Cour de cassation, ce lundi 18 novembre 2024, l’ancien ministre du Développement rural, François Rubota, a cité à charge de plusieurs fois Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances, comme l’unique gestionnaire de l’aspect financier de ce projet.
Il a affirmé qu’en plus des réalisations sur terrain et de l’évaluation des stocks des matériels auprès de la société concernée, les demandes de fonds déposées au ministère des Finances étaient motivées par plusieurs urgences notamment le Covid19, mais surtout la prolifération des maladies hydriques suite au manque d’accès à l’eau potable.
« Ce contrat avait un caractère urgent au moment de la Covid-19. Il fallait sauver des vies humaines. Lorsque j’ai parcouru plusieurs provinces, j’ai constaté qu’il n’y a pas d’eau potable. Même ici à Kinshasa. J’ai constaté un taux élevé de morbidité et mortalité dues aux maladies d’origine hydrique. Au vu de ces urgences, je remettais le dossier à qui de droit », a-t-il déclaré.
Nicolas Kazadi voulait payer 375 millions USD du coup
Pour François Rubota, bien avant ses demandes de fonds, il a trouvé que, contrairement au contrat, Nicolas Kazadi avait déjà prévu un paiement de 375 millions USD à effectuer du coup pour l’exécution de ce projet qui s’étend pourtant sur cinq ans. Il dit s’être opposé à ce paiement en exigeant que ce soit fait de manière échelonnée, tel que le stipule le contrat.
« Même si je faisais les demandes, la Cour devra noter qu’il y avait déjà un paiement prévu pour l’ensemble du contrat, dont 375 millions USD que le ministre des Finances payait déjà sans même me demander. Lorsque j’ai constaté cela, en tant que ministre sectoriel, je me suis dis non. Au regard du contrat, c’est 1000 stations pour 398 millions USD. À ce stade, payer la totalité de la somme ne me donnait pas la confiance que nous sommes en train de faire une bonne affaire. Je me suis opposé à ce paiement là. J’ai dit que si paiement devrait avoir lieu, on devrait y aller progressivement », a-t-il indiqué.
Passage de 1000 à 1340 stations d’eaux
À la question des juges de savoir pourquoi ce contrat est passé de 1000 stations de traitement d’eaux à 1340 stations, l’ancien ministre du Développement rural a affirmé que cela est l’œuvre personnelle de Nicolas Kazadi qui ne l’a pas consulté.
« J’aurais aimé donner la réponse à cette question si le ministre des Finances était ici. Cela était venu à la suite d’une annonce faite par le ministre des Finances en conseil des ministres. Il se disait avoir fait profiter à la République. Il l’a même dit, au cours de son brienfing presse. C’est venu de lui. Pas de moi. C’est par la suite que le consortium m’ecrira une lettre pour ajouter 340 stations », a souligné François Rubota.
Répondant à la question de savoir pourquoi n’avait-il pas respecté la clause de préfinancement que contenait le contrat qui exigeait au consortium de préfinancer les travaux à ses frais et de se faire rembourser moyennant factures et évaluation sur terrain, François Rubota a encore rejeté la balle sur Nicolas Kazadi
« C’est sur base des stations installées et de différents stocks que je me suis permis de transférer le dossier au niveau du ministère des Finances. J’ai copié le ministère du Budget, le Premier ministre et le président de la République. La décision de payer n’est pas mienne. Si le paiement a eu lieu, c’est la décision du ministre des Finances. Je soumettais à son appréciation la demande. Il avait le temps de l’étudier, de consulter ses experts. Et lorsqu’il prend la décision, il est convaincu de ce qu’il est en train de faire. Il ne paye pas parce que je lui ai demandé. Ma demande n’avait nullement un caractère obligatoire », a-t-il
Des inspecteurs de l’IGF sollicités
Devant les juges de la Cour de cassation, François Rubota a signé et persisté que la seule personne sur qui repose la responsabilité de l’aspect financier du projet dit de forages est Nicolas Kazadi. Il soutient qu’il n’avait aucun intérêt personnel le poussant à engager les fonds publics.
« L’aspect financier n’était pas géré par moi. Il était géré par le ministère des Finances. Je n’avais aucun intérêt personnel. Le seul intérêt était celui de protéger la République. Si j’avais un intérêt quelconque, je laisserais passer les 375 millions USD. On parlerait de 398 millions USD qui devaient avoir été payés. Donc, j’ai agi en tant que patriote, en tant que quelqu’un qui observe le déroulement du contrat en disant oui. Je constate que des stations sont faites. Et là, je pouvais soumettre le dossier à qui de droit », a-t-il souligné.
Les juges apprécieront l’opportunité de faire comparaître Nicolas Kazadi
En réaction, la Cour de cassation a promis d’apprécier l’opportunité de faire comparaître Nicolas Kazadi selon l’évolution du procès. Les avocats de Mike Kasenga, patron de la société qui exécute ce projet, ont sollicité la comparution de l’Inspection Générale des Finances.
« Si vous insistez que l’ancien ministre des Finances soit ici, la Cour appreciera. Si c’est pour que le ministre vienne, la Cour ne trouvera aucun inconvénient. Attendons au moment opportun, si la Cour estime nécessaire, elle va le faire venir », a souligné le juge président.
Au terme du débat, la Cour de cassation a renvoyé la prochaine audience au 25 novembre prochain, question de permettre aux avocats de la Défense de bien pénétrer les 1843 pièces du dossier.
Rappelons que le projet des forages est né d’un contrat signé le 21 avril 2021 et confié au consortium Stevers construct – Sotrod Water. Il consistait en l’installation de 1000 forages dans 1000 localités à travers la RD-Congo, pour un montant de 398.982.383,41 USD, soit 398.982 USD en moyenne par station.