07 08, 2023
Dans un contexte de forte contestation sociale, l’ONG Human Rights Watch a recensé quinze exécutions d’opposants au président João Lourenço, et pointe des centaines d’arrestations arbitraires.
Depuis son élection en 2017, le président de angolais, João Lourenço, a sans cesse tenté de se détacher de l’image de son prédécesseur, l’autoritaire José Eduardo dos Santos, resté en poste pendant trente-huit ans.
Et pourtant, comme sous l’ère Dos Santos, la répression policière envers les militants hostiles au pouvoir perdure dans le pays. Dans un rapport publié ce lundi, l’ONG Human Rights Watch accuse la police angolaise d’avoir tué quinze opposants à João Lourenço depuis le mois de janvier. Les forces de l’ordre ont également arrêté et détenu arbitrairement des centaines d’activistes, d’artistes et de manifestants pacifiques.
«La police angolaise semble s’en prendre à ceux qui critiquent les politiques du gouvernement», explique Zenaida Machado, spécialiste de l’Angola pour HRW.
Entre janvier et juin 2023, l’ONG a mené des entretiens téléphoniques avec 32 personnes, dont des victimes de ces abus et leurs familles, parvenant à recenser au moins quinze cas d’exécutions par la police de personnes non armées.
En février, au prétexte d’une opération anticriminelle dans un quartier de la capitale, Luanda, des agents de police ont ainsi procédé à l’arrestation de huit hommes âgés de 23 à 32 ans. Leurs proches ont retrouvé leurs huit cadavres trois jours plus tard, à la morgue d’un hôpital de la ville. Tous portaient les traces de multiples blessures par balles. Connues pour leur participation à des manifestations
antigouvernementales, les victimes étaient surveillées par la police, selon un de leurs amis. Un porte-parole de la police a réfuté ces accusations auprès de HRW, affirmant que des investigations étaient en cours «pour trouver les auteurs de ce crime».
Dans un autre cas, en juin, la police a abattu cinq personnes lors d’une manifestation de chauffeurs de taxi contre l’augmentation des prix de l’essence. Trois autres victimes ont par la suite succombé à leurs blessures à l’hôpital. Selon le principal parti d’opposition du pays, Unita, on dénombrerait plus de 130 cas de personnes tuées par les forces de l’ordre pendant des manifestations depuis l’arrivée au pouvoir du président João Lourenço en 2017.
«Ma famille a vécu des moments de terreur»
Human Rights Watch a également documenté le ciblage régulier de manifestants et opposants politiques pacifiques, victimes d’arrestations ou de détentions arbitraires.
Jose Ezequiel, un activiste de 28 ans résident de la province de Huambo (centre de l’Angola), a vu sa maison être envahie à l’aube par une vingtaine d’agents de police et des services de renseignement, venus l’arrêter en amont de manifestations dans tout le pays pour protester contre la réduction des subventions sur le carburant. «Ma famille a vécu des moments de terreur, se souvient-il. Ils ont braqué un pistolet sur la tête de ma fille pour la forcer à révéler où je me trouvais. Ils ont menacé ma femme de mort. Ils ont tiré de vraies balles sur la porte et le plafond de ma maison. Tout cela pour nous intimider.»
Parmi les cibles des forces de l’ordre, Human Rights Watch a aussi recensé plusieurs artistes. Le rappeur et militant Kamesu Voz Seca, très critique à l’égard du gouvernement sur ses réseaux sociaux, a notamment été détenu cinq jours sans motif explicite après que des policiers ont trouvé dans sa voiture des prospectus réclamant la démission du président Lourenço et de ses ministres. Dans de nombreux cas, les personnes arrêtées sont relâchées au bout de quelques jours sans être inculpées.
Un contexte de contestation sociale
La publication du rapport de HRW intervient après une manifestation organisée par l’Unita samedi à Luanda pour demander la démission du président João Lourenço, et qui a réuni des milliers de participants. L’Angola, pays riche en pétrole, connaît une vague de protestations depuis que le gouvernement a supprimé les subventions sur l’essence en juin, une mesure qui visait à réduire les dépenses publiques mais qui a entraîné une hausse brutale des prix du carburant.
De nombreuses victimes parmi celles répertoriées par Human Rights Watch étaient impliquées dans ce mouvement social et ont organisé ou participé à des manifestations. HRW a appelé les autorités angolaises à «agir urgemment pour mettre fin aux pratiques et politiques irrégulières de la police». Bien que le gouvernement ait déjà cherché ces dernières années à améliorer le maintien de l’ordre, les poursuites contre les policiers coupables d’exactions sont rares, selon l’ONG. Pour Zenaida Machado, «la répression policière brutale des manifestations et des activités politiques pacifiques prive tous les Angolais de leur droit de participer au débat politique et à l’avenir de l’Angola».