La science, quotidien de l’Univesité de Kinshasa (UNIKIN), a été à son comble le jeudi 20 juin 2024 grâce à la conférence-débat animée par le professeur Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, autour du thème: «Problématique du développement économique de la RD-Congo, terre d’espoir».
Devant des membres du bureau de la chambre basse, des ministres, la crème scientifique de l’UNIKIN, conduite par le recteur Jean-Marie Kayembe, des étudiants et de nombreuses autres personnalités, Kamerhe, qui a retrouvé, 20 ans après, «la colline inspirée avec grande émotion», a donné le ton d’une «révolution scientifique» visant à doter la RD-Congo d’un modèle économique à même d’impulser son développement
Un sacré défi ! Une vision dont la matérialisation nécessite, selon Kamerhe, de constituer une «Union sacrée des intelligences», tant le pays a «longtemps été déconnecté du savoir et du savoir-faire». Pas de temps à perdre, ni de «peur» à laisser émerger pour «commencer une nouvelle ère». Plutôt, la détermination à «chercher à savoir: pourquoi autant de richesses pour vivre dans la pauvreté».
Dans cette perspective, Vital Kamerhe, professeur ordinaire de l’UNIKIN, a replongé dans les racines du «mal structurel» et du «système économique» de la RD-Congo depuis l’époque de l’Etat indépendant du Congo (EIC) qui «n’est pas fait pour développer le pays».
«Le Congo est un paradis que nous avons transformé en enfer. En 1885, Léopold II n’a pas fourni beaucoup d’efforts. Il a assigné aux Congolais des quantités de production… la sanction était sévère (pour quiconque n’atteint pas son quota): on te coupe le bras. Et, les gens devaient travailler. C’était un modèle avilissant», a déploré Vital Kamerhe lors de son exposé, suivi avec une attention particulière par les participants, abasourdis de découvrir une telle profondeur scientifique dans l’exposé du speaker de la chambre basse.
Ce dernier a enchaîné en ces termes: «En 1908, les Belges ont remplacé la machette de Léopold II par la bastonnade. C’était une culture imposée avec chocotte à la main. Et, nous avons vu la création des grandes sociétés à charte: Union minière, MIBA, Kilomoto».
Les modèles économiques et de gestion léopoldien et belge ont été tels qu’ils n’ont pas permis à la RD-Congo de décoller.
«En 1960, nous avons eu effectivement l’indépendance mais cette indépendance était politique. Nous avons oublié de faire la remise et reprise économique avec la Belgique. Notre pays, qui avait des réserves importantes et qui était premier dans beaucoup de cultures et de productions minières, nous a laissé dans l’illusion d’une embellie qui continue alors que le mal de l’économie avait déjà ses racines dans le modèle léopoldien», a relevé l’ancien vice-Premier ministre à l’Economie, déplorant qu’en 1960, les pères de l’indépendance n’ont «pas pensé à un modèle économique congolais».
Nous n’avons pas pensé au modèle d’accumulation du capital et nous avons continué à consommer. Et comme l’indépendance signifiait que les gens devaient quitter le village pour venir voir la lumière dans de grandes villes, les bras qui produisaient dans des campagnes étaient devenues des bouches à nourrir dans les villes. La production a commencé à baisser», a regretté Kamerhe, avant de rajouter, à cette problématique, l’instabilité des institutions provoquée notamment par de nombreuses rébellions auxquelles le pays a été confronté.
«C’est comme si les Congolais s’étaient entendus pour ne jamais s’entendre», a, une fois de plus, déploré Kamerhe, appelant les uns et les autres à «prendre courage et (à) dire que c’en est trop».
«On ne peut pas continuer à enterrer des Congolais dans des minerais», a, révolté, tapé du poing le président de l’Assemblée nationale, peu avant de démontrer l’échec de différents modèles économiques et de gestion de l’ère Mobutu. Notamment la zaïrianisation et la gestion du pays par des professeurs des universités.
«En réalité, même si aujourd’hui on prenait Einstein, Obama pour gérer la RDC, ils vont échouer, parce que le mal est d’abord structurel et le système n’est pas fait pour développer le pays», a noté le professeur Kamerhe, irrité de constater comment le pays a considérablement régressé après environ 65 ans d’indépendance alors qu’en 1960, il avait le même niveau que le Canada et légèrement supérieur à la Corée du Sud.
Ces pays, a-t-il soutenu, n’ont pas usé de magie quoi qu’ils ne soient pas aussi pourvus en ressources naturelles que la RDC. Ils doivent leur développement à «l’intelligence, la bonne gouvernance, l’organisation».
La comparaison entre la RDC et le Canada ou encore la Corée du Sud semble donner raison à Georges Soros qui a toujours défendu la thèse de la « malédiction des ressources naturelles de la RDC». Kamerhe s’est inscrit en faux, affirmant que «ce n’est pas une malédiction» et convaincu que «notre situation n’est pas une fatalité».
Le président de l’Assemblée nationale est hyper confiant quant au développement économique de la RDC. Pour cela, il a martelé qu’il faut commencer à travailler dès maintenant, sans attendre.
Du beau monde lui a succédé à la tribune. Notamment des membres du gouvernement Suminwa, des députés et des professeurs qui ont exposé dans les différents panels.