11 04 2024
O. J. Simpson, mort à 76 ans jeudi, était un personnage incontournable de la culture américaine et d’une société qui fut marquée par l’acquittement controversé en 1995 de cette ancienne vedette du football pour le meurtre de son ex-femme.
O. J. Simpson est décédé des suites d’un cancer de la prostate, a annoncé sa famille par l’entremise de son compte X officiel.
Malgré cet acquittement surprise, l’histoire d’Orenthal James Simpson, de son nom complet, est celle d’une déchéance inexorable pour un homme parfois considéré comme la première superstar noire aux États-Unis.
« Je ne suis pas Noir, je suis O. J. », aimait-il rappeler à ses proches.
Né à San Francisco le 9 juillet 1947, il est élevé par une mère seule, abandonné par son père alors qu’il avait cinq ans.
Souffrant de rachitisme dans son enfance, il devient pourtant plus tard un athlète hors normes et réalise une carrière brillante dans la NFL.
Il est couronné joueur de l’année en 1973, alors qu’il est membre des Bills de Buffalo, en devenant le premier porteur de ballon à récolter plus de 2000 verges (2003, plus exactement). Simpson a joué pour les Bills de 1969 à 1977, avant de poursuivre sa carrière avec les 49ers de San Francisco en 1978-79. Il a ensuite été intronisé au Temple de la renommée en 1985. Il a été quatre fois porteur de ballon par excellence de la NFL, a couru 11 236 verges au cours de sa carrière, a marqué 76 touchés et a participé à cinq Pro Bowls. Il a aussi remporté le trophée Heisman en 1968 pour son brio au niveau collégial.
« Je faisais partie de l’histoire du sport, a-t-il déclaré des années plus tard en se remémorant sa saison 1973. Si je ne faisais rien d’autre dans ma vie, j’aurais laissé ma marque. »
Séduisant, charismatique, celui qui sera surnommé « The Juice » – en raison de ses initiales correspondant à « Orange Juice » – jouit d’une popularité immense qu’il conservera bien après la fin de sa carrière professionnelle, à la fin des années 1970.
O. J. Simpson avec des fans des Bills de Buffalo en 2021
Avant même de raccrocher les crampons, il est sollicité par le cinéma et la télévision, notamment dans la série Roots (1977), et fait le bonheur des annonceurs avec son charme et sa voix légèrement grave. Il se fera remarquer plus tard aussi par son interprétation de Nordberg dans les films humoristiques à succès L’agent fait la farce.
Sa présence naturelle à l’écran le conduira également, plus tard, à une carrière de commentateur sportif.
En 1985, il épouse en secondes noces Nicole Brown, qui lui donne deux enfants, et mène une vie opulente. Ils divorcent en 1992. Il a aussi eu deux fils avec sa première femme Marguerite Whitley ; l’un de ces garçons, Aaren, s’est noyé alors qu’il était tout petit dans un accident de piscine en 1979.
Alors qu’il s’éloignait progressivement des projecteurs, O. J. Simpson va revenir au centre de l’actualité en personnage principal de l’une des affaires judiciaires les plus fascinantes du XXe siècle aux États-Unis.
Prison pour vol
O. J. Simpson, sa femme Nicole Brown et leurs enfants Sidney Brooke, 9 ans, et Justin, 6 ans, en mars 1994
Le 12 juin 1994, Nicole Brown est découverte morte à Los Angeles dans une mare de sang, au côté du corps de son ami Ronald Goldman, lui aussi sauvagement assassiné.
Après une poursuite de plusieurs heures sur les autoroutes de Los Angeles, suivie en direct par des caméras de télévision qui filment depuis des hélicoptères, Simpson est arrêté par la police.
Des analyses génétiques identifient le sang de Simpson sur les lieux du crime, celui des victimes dans sa voiture et à son domicile. « O. J. » clame son innocence, mais il est inculpé de doubles meurtres.
Un an plus tard, au terme d’un procès à grand spectacle, lui aussi retransmis en direct à la télévision, un jury de Los Angeles l’acquitte. Cette décision provoque une vague d’indignation aux États-Unis et divise l’opinion entre Noirs et Blancs, trois ans après de sanglantes émeutes raciales dans la mégalopole californienne.
L’ex-joueur est ensuite reconnu responsable de la mort des deux victimes lors d’un procès civil en 1997 et condamné à payer des dommages-intérêts de plus de 33 millions de dollars à leurs familles, ce qu’il ne fera jamais.
Il s’installe alors en Floride, où ses biens sont à l’abri d’une saisie visant à satisfaire la décision du tribunal civil en Californie, à l’autre bout du pays.
Mais il ne disparaît pas pour autant de l’espace public, monnayant ses apparitions, notamment… lors d’un congrès de passionnés de tueurs en série.
En 2007, il refait parler de lui dans la chronique judiciaire, interpellé à Las Vegas pour avoir dérobé des souvenirs sportifs avec cinq hommes de main dans un hôtel-casino de la ville, sous la menace d’une arme.
Début octobre 2008, il est reconnu coupable de 12 chefs d’accusation, puis condamné à une peine de 9 à 33 ans de prison. Il était depuis 2017 en liberté conditionnelle.
Bien qu’il soit toujours redevable de dizaines de millions de dollars aux familles de son ex-femme et du compagnon de celle-ci, la loi l’autorisait à conserver sa pension de retraite de footballeur professionnel : 25 000 dollars par mois.
Un public fasciné
O. J. Simpson et Nicole Brown Simpson en octobre 1993
La fascination du public pour Simpson ne s’est jamais estompée. En 2016, il a fait l’objet d’une minisérie de la chaîne FX et d’un documentaire en cinq parties de la chaîne ESPN.
« Je ne pense pas que la plupart des Américains croient que je l’ai fait, a déclaré Simpson au New York Times en 1995, une semaine après qu’un jury a déterminé qu’il n’avait pas tué Brown et Goldman. J’ai reçu des milliers de lettres et de télégrammes de gens qui me soutiennent. »
Douze ans plus tard, à la suite d’une vague d’indignation publique, Rupert Murdoch a annulé un livre prévu par HarperCollins, propriété de News Corp, dans lequel Simpson présentait son récit hypothétique des meurtres. Le livre devait s’intituler If I Did It (Si je l’avais fait).
La famille de Goldman, qui poursuit toujours avec acharnement le jugement de mort injustifiée de plusieurs millions de dollars, a obtenu le contrôle du manuscrit. Ils ont rebaptisé le livre Si je l’ai fait : Confessions du tueur.
« C’est l’argent du sang, et malheureusement j’ai dû me joindre aux chacals », a déclaré Simpson à l’Associated Press à l’époque. Il a perçu 880 000 $ d’avance pour le livre, versés par l’intermédiaire d’un tiers.
« Cela m’a permis de me libérer de mes dettes et de sécuriser ma propriété », a-t-il précisé.
Moins de deux mois après avoir perdu les droits du livre, Simpson a été arrêté à Las Vegas.