26 mars 2024
Après une séance de travail le lundi 25 mars 2024 à la prison centrale de Makala avec les opérateurs judiciaires de toutes catégories en présence du vice-ministre de la Justice, le premier président de la Cour de cassation, Elie Ndomba Kabeya, a annoncé la libération de tous les détenus qui n’ont pas des dossiers effectifs et qui sont en détention de manière arbitraire.
Cette décision vise à désengorger la prison de Makala, construite en 1957 pour accueillir 1 500 individus, qui se trouve aujourd’hui submergée par près de 15 000 détenus, selon les autorités.
Face à ce constat alarmant, le premier président de la Cour de cassation a appelé à une mobilisation générale des opérateurs judiciaires pour identifier les détenus concernés par cette mesure.
« Les ONG des droits de l’homme, excusez-moi, mettent en avant tous les cas d’irrégularité et critiquent les magistrats. Tous les détenus ne sont pas en prison uniquement à cause des magistrats. Ce que je sais, c’est que la situation documentée dans les registres des dossiers des tribunaux n’est pas toujours conforme à la réalité de la population carcérale. C’est pourquoi j’ai demandé aux parquets, aux tribunaux et à tous les responsables judiciaires accompagnés des greffiers du secteur pénal de se réunir ici. Nous voulons obtenir une vue réelle sur le terrain. Quel détenu relève de quelle juridiction et de quel tribunal ? Donc, chaque chef de juridiction et ses greffiers doivent clairement identifier les personnes détenues sous leur responsabilité. Une fois que vous avez cette vue sur le terrain, retournez à vos juridictions pour comparer avec vos dossiers et produire un premier rapport. Tous ceux qui n’ont pas de dossiers effectifs et qui sont en détention de manière hasardeuse, nous allons les libérer », a-t-il déclaré.
Il n’a pas seulement annoncé la libération des prisonniers détenus injustement, mais a également évoqué la possibilité de transférer certains détenus vers d’autres établissements pénitentiaires du pays.
« Nous sommes venus pour réorganiser la population carcérale. Aujourd’hui, la population a doublé. Il y a des raisons évidentes, car la démographie de la ville de Kinshasa est en croissance, et la criminalité augmente. Il est normal de voir beaucoup de personnes en détention. Mais sont-elles toutes détenues légalement ? C’est pourquoi tous les chefs de juridiction, les greffiers sont ici pour vérifier au cas par cas et libérer ceux qui sont injustement détenus, et envoyer ceux qui ont été condamnés purger leur peine dans d’autres prisons comme Luzumu, Angenga, et ailleurs, car ces prisons ne sont pas remplies », a souligné le premier président de la Cour de cassation.
Il a ajouté : « Pour quelqu’un condamné à dix ans, au lieu de passer dix ans à la prison centrale de Makala, nous pourrions le transférer à Angenga pour purger sa peine. Il pourra être réhabilité sur place, avec une meilleure chance de réinsertion qu’à la prison centrale de Makala, où il pourrait être surchargé, tomber malade, voire perdre la vie ».
Le premier président a également évoqué le cas d’un détenu en prison pendant 21 ans sans jugement, décrié il y a peu par Stanis Bujakera, journaliste à Actualité.cd et correspondant du magazine Jeune Afrique, qui a récemment recouvré sa liberté après un peu plus de 6 mois de détention à la prison centrale de Makala, s’engageant à enquêter sur ce cas pour trouver une solution appropriée.
« La présence d’un prisonnier qui a totalisé 21 ans de détention sans jugement m’a alerté. Je suis venu le voir et lui parler. S’il a des conseils à donner et que je vérifie à quelle juridiction il relève. Pourquoi est-il là depuis 21 ans et pourquoi n’a-t-il jamais demandé à être jugé ? Parler c’est bien, mais il faut vérifier. Nous sommes des juristes et nous ne parlons pas pour rien. Je veux savoir pourquoi il est détenu depuis 21 ans. Je vais suivre son dossier pour voir où il en est et une réponse sera donnée une fois que tout aura été vérifié », a-t-il laissé entendre.
Cette descente fait suite aux instructions données lors du dernier conseil des ministres à la ministre d’État de la Justice, Rose Mutombo, par le président de la République, de collaborer étroitement avec le Conseil Supérieur de la Magistrature pour décourager les arrestations intempestives des magistrats du parquet, même pour des faits mineurs, et pour remédier au non-respect des délais dans l’instruction des dossiers par les cours et tribunaux, ce qui entraîne des retards.
L’objectif est de lutter contre la surpopulation carcérale due à un nombre élevé de détenus en attente de jugement par rapport aux condamnés.